La transition énergétique nous pousse à explorer des solutions innovantes pour produire une électricité renouvelable, respectueuse de l’environnement et le solaire flottant en fait partie. Cette technologie repose sur des panneaux photovoltaïques installés sur des flotteurs à la surface de plans d’eau artificiels. L’objectif principal est d’utiliser des espaces déjà exploités pour une autre activité : carrières inondées, bassins industriels, étangs de loisirs, etc.
De plus, cette approche présente plusieurs avantages : elle évite la concurrence avec les terres agricoles, préserve les ressources terrestres, permet un meilleur rendement grâce au refroidissement naturel de l’eau sous les panneaux photovoltaïques et la valorise des surfaces inexploitées ou sous-utilisées
Cependant, cette innovation soulève une question cruciale : quels sont les impacts sur la biodiversité aquatique et terrestre ?
Les lacs et réservoirs sont des écosystèmes sensibles où des paramètres environnementaux tels que la lumière, la température et l’oxygénation déterminent la vie de nombreuses espèces animales et végétales.
Certains évoquent les aspects positifs du solaire flottant, comme la limitation de l’évaporation ou la réduction des algues nuisibles. Tandis que d’autres redoutent des perturbations pour les poissons, les oiseaux et les insectes.
Des recherches et projets collaboratifs européens, tels que SOLAKE, cherchent à apporter des réponses scientifiques à ces questions.
Pourquoi le solaire flottant séduit-il autant ?
Une solution innovante pour produire de l’énergie renouvelable
Tout d’abord, les centrales solaires flottantes consistent à installer des panneaux photovoltaïques sur des flotteurs placés sur des plans d’eau. Selon le projet et les contraintes du site, ces installations peuvent couvrir une partie de la surface ou une zone plus étendue. Les flotteurs sont conçus pour résister aux contraintes environnementales telles que les vagues, les variations de niveau d’eau et les conditions climatiques.
Les avantages concrets du solaire flottant : rendement, économie de sols et d’eau
Ces technologies offrent plusieurs avantages concrets :
- Amélioration du rendement : le refroidissement par l’eau et une densité moyenne de 1,5 MWc par hectare maximisent la production d’électricité.
- Conservation de l’eau : les panneaux flottants réduisent l’évaporation des lacs et réservoirs. Des études montrent des réductions pouvant atteindre 70 % de la perte d’eau par évaporation (Redón Santafé et al. 2014, Abdelal 2021, Bontempo Scavo et al. 2021, Santos et al. 2022)
- Économie de terres : évite l’utilisation de terres agricoles ou naturelles.
- Valorisation de sites inutilisés : les carrières inondées ou bassins industriels deviennent “productifs” en conservant leur activité principale.
Un aperçu des recherches scientifiques
Le projet SOLAKE : comprendre les impacts sur la biodiversité aquatique
Le projet SOLAKE est un programme de recherche mené par le département CRBE de l’Université Toulouse III – CNRS Images, visant à quantifier et qualifier les effets des centrales photovoltaïques flottantes sur la biodiversité et les écosystèmes d’eau douce.
Plus précisément, le projet étudie l’impact des systèmes photovoltaïques flottants sur 22 lacs de carrière dans le sud-ouest de la France grâce à un programme de suivi sur cinq ans des paramètres aquatiques des sites équipés. Ce suivi sera effectué sur sept plans d’eau du sud-ouest de la France (ainsi que trois autres étangs témoins similaires hors du site). Les paramètres évalués incluent :
- Environnementaux : (température, oxygène dissous) ;
- Aspects biotiques saisonniers :(phytoplancton, zooplancton) ;
- Aspects abiotiques : (physico-chimie) ;
- Fonctionnement de l’écosystème et communautés de poissons : (pêches scientifiques).
Grâce à ce suivi préliminaire, certaines conclusions à court terme ont déjà été observées.
Les aspects positifs confirmés du solaire flottant
Réduction de la température de l’eau
Une étude de trois ans, menée sur des lacs de gravières français (Université de Toulouse, 2020–2023) a montré que les installations photovoltaïques flottantes réduisent la température moyenne de l’eau d’environ 1,2 °C par rapport à des lacs de référence voisins sans installations. Lors des vagues de chaleur estivales, cet écart atteignait près de 2 °C, et dans certaines conditions, des réductions allant jusqu’à 3 °C ont été enregistrées. Cette baisse contribue à atténuer le stress thermique des écosystèmes aquatiques, un effet précieux dans le contexte du réchauffement climatique.
Effet d’ombrage
Un autre aspect positif est l’effet d’ombrage des panneaux flottants. En bloquant une partie de la lumière solaire, le solaire flottant réduit la prolifération des algues nuisibles, qui prospèrent dans les environnements chauds et lumineux. Ces algues peuvent épuiser l’oxygène et libérer des toxines dangereuses pour les poissons, les invertébrés et même la qualité de l’eau potable. Les premiers résultats montrent que les zones ombragées présentent souvent une eau plus claire et plus saine. Cependant, cet effet dépend de la technologie utilisée et du taux de couverture du plan d’eau.
Limiter l’évaporation
De plus, les panneaux photovoltaïques flottants réduisent l’évaporation, préservant ainsi d’importantes quantités d’eau douce dans les réservoirs et les lacs, un avantage particulièrement précieux dans les régions touchées par la sécheresse ou le stress hydrique.
Enfin, les suivis écologiques réalisés durant les premiers mois d’exploitation n’ont pas révélé de perturbations majeures pour la faune locale comme le mentionne cet article. Les poissons continuent de circuler entre zones ombragées et ouvertes, les invertébrés restent présents, et l’activité des oiseaux autour des bassins n’a pas montré de changements significatifs.
Ces premiers résultats suggèrent que, lorsqu’elles sont bien conçues et installées, les centrales solaires flottantes peuvent s’intégrer harmonieusement aux milieux aquatiques sans impact négatif immédiat.
Perturbations potentielles à court-terme
À ce stade, les chercheurs soulignent la complexité de comprendre les effets des variations des paramètres environnementaux sur la chaîne trophique.
Par exemple, certains poissons peuvent éviter les zones trop ombragées au début, tandis que des invertébrés peuvent modifier leur répartition verticale ou horizontale. Les oiseaux se nourrissant de proies aquatiques peuvent adapter temporairement leurs comportements de chasse.
Ces réponses comportementales sont subtiles mais montrent la nécessité d’un suivi approfondi.
En effet, ces changements se produisent progressivement et sur le long terme.
Dans les années à venir, les scientifiques chercheront donc à comprendre comment les organismes lacustres s’adaptent à ces évolutions. Ces résultats futurs permettront à la communauté scientifique de développer des stratégies garantissant que l’expansion des énergies bas carbone ne se fasse pas au détriment de la biodiversité et de la santé des écosystèmes.
Perspective : L’avenir du solaire flottant sur la biodiversité
Dans l’ensemble, le photovoltaïque flottant représente une solution innovante et prometteuse pour produire de l’énergie renouvelable tout en préservant les terres et les ressources en eau. Les premières observations suggèrent des bénéfices pour les lacs et les réservoirs, notamment une réduction de l’évaporation, un refroidissement de l’eau et une amélioration de la qualité des milieux aquatiques.
Cependant, un suivi continu et des études à long terme, comme celles menées dans le cadre du projet SOLAKE, restent nécessaires pour comprendre pleinement les impacts écologiques. De plus, ces recherches permettent de confirmer que les technologies solaires flottantes peuvent être déployées de manière durable sans affecter les écosystèmes locaux.
Auteur : Lilouann Nevelstyn
